Calpurnia Virgina Tate a onze ans. Dans la chaleur de l’été, elle s’interroge sur le comportement des animaux autour d’elle. Elle étudie les sauterelles, les lucioles, les fourmis, les opossums.
Aidée de son grand-père, un naturaliste fantasque et imprévisible, elle note dans son carnet d’observation tout ce qu’elle voit et se pose mille questions.
On est dans le comté de Caldwell, au Texas, en 1899. Tout en développant son esprit scientifique, Calpurnia partage avec son grand-père les enthousiasmes et les doutes quant à ses découvertes, elle affirme sa personnalité au milieu de ses six frères et se confronte aux difficultés d’être une jeune fille à l’aube du 20e siècle.
Calpurnia est une fille étonnante. D’abord elle a un prénom étonnant, et puis, seule fille au milieu de six frères, elle ne s’en laisse pas compter. Elle remarque vite qu’ils bénéficient de certains droits, comme de se faire payer pour de menus travaux, tandis qu’elle doit garder des enfants gratuitement. Son regard aiguisé, parfois mordant, sur des situations où les inégalités entre filles et garçons sont flagrantes, donne tout son sel à ce roman.
Cet été-là, Calpurnia jouit d’une grande liberté, qu’elle occupe à courir à la rivière ou dans les prés pour observer les animaux. Peu à peu, elle se rapproche de son grand-père, un original dont elle n’est même pas sûre, au début, qu’il connaisse son prénom ! Mais leur amour commun de la science aidant, elle découvre en lui des trésors de savoir et une forte envie de transmettre. Cependant, Calpurnia approche de ses 12 ans, et sa mère se met en tête de faire d’elle une jeune fille accomplie, ce qui signifie sachant broder, repriser et préparer des repas… Pour Calpurnia, c’est la fin de la liberté, la fin des découvertes scientifiques, elle qui rêve d’aller à l’université. Quelle ironie, quand son frère aîné déclare qu’il veut y aller uniquement pour faire plaisir à sa mère !
Calpurnia est une personnalité unique, à la fois forte, déterminée et naïve et pleine de doutes. Son grand-père l’aide beaucoup à prendre confiance en elle, mais sans vraiment comprendre les enjeux ; quand les parents de Calpurnia veulent reprendre en main son éducation ménagère, le grand-père ne s’y oppose pas, et ne fait rien pour défendre sa petite-fille. Quand celle-ci lui fait part de ses doutes, il regrette de ne lui avoir parlé que de scientifiques masculins, et d’aucunes des femmes qui ont fait évolué la science en cette fin de 19e siècle… Tout se passe comme s’il avait occulté le fait que Calpurnia est une fille, et qu’il est admis, dans le Texas de la fin du 19e siècle, qu’une fille ne fait pas de science.
Bref, Calpurnia est bien seule face à son désir de faire de la science, d’aller à l’université, de ne pas forcément fonder une famille. Ce roman n’est pas édulcoré, pas de happy end non plus. Une seule certitude : Calpurnia va devoir se battre pour y parvenir. Un roman sensible, prenant et très bien écrit.
Jacqueline Kelly, Calpurnia, L’Ecole des loisirs, 2015, 9782211223311